Congrès AISLF 2016 – jour #5

Nous y voilà donc, le dernier jour de ce XXème congrès de l’AISLF.

En début de matinée, une plénière « changer la sociologie » réunissant Gérard Duhaime (université de Laval), Nathalie Heinich (EHESS) et Terry Nichols Clark (université de Chicago).

Gérard Duhaime tout d’abord sur la sociologie et l’interdisciplinarité. L’élucidation des questions de plus en plus complexes requiert la contribution de plusieurs disciplines. Quelles sont les conditions suivant lesquelles l’interdisciplinarité peut conduire à résultats significatifs, au-delà de la simple juxtaposition de regards différents posés sur un même objet ? ( Dans ce contexte, quel rôle la sociologie peut-elle jouer ? L’exposé de Duhaime identifie les conditions principales de la fécondité interdisciplinaire, ainsi que les embûches qui en rendent la réalisation difficile.

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G. Duhaime : “Le défi est de répondre de manière concrète à des questions concrètes”

Et petit clin d’oeil, G. Duhaime précise qu’au Québec, à côté des Sciences de la Terre, on trouve… « les Sciences de la Glace » 😉

Puis Nathalie Heinich nous invite – de manière provocante – à sortir la sociologie de sa préhistoire. Pour Heinich, la sociologie se trouve aujourd’hui éclatée entre une multitude de propositions hétérogènes. Deux grandes lignes de clivages se dégagent :

  • une « sociologie du social », d’un haut degré de généralité mais peu ancrée dans l’empirie,
  • et une « sociologie de l’expérience », basée sur l’enquête mais d’ambition souvent restreinte ;

    et, d’autre part,

  • une sociologie « à visée normative », ancrée davantage sur le politique,
  • et une sociologie « à visée plus descriptive », orientée sur la production de savoir.
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« le sociologue doit dire comment est le monde pas le normer » N. Heinich

Une sociologie qui ne prendrait pas en compte l’ « expérience », de même qu’une sociologie purement normative, appartiennent – pour Heinich – « à la préhistoire de notre discipline ». Elle défend donc une sociologie d’enquête mais associée à  une ambition théorique lui permettant des transpositions possibles à différents contextes et objets.
Enfin, pour Clark, nous vivons aujourd’hui des changements analogues à ceux qui ont eu cours au début de la révolution industrielle et de la Révolution française – des changements toutefois encore plus complexes et plus subtils. Il introduit à ce titre le concept des « scènes » pour essayer d’analyser ces changements. La scène est un concept, selon lui, plus ouvert et complexe que celui de classe, d’association, d’organisation.

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L’étude ensuite des scènes ainsi définies aide à faire ressortir de nouvelles dynamiques. Faisant l’effort de s’exprimer pour nous en français, Clark présente ses dimensions d’analyse des scènes. Il s’appuie pour cela sur  l’étude de différents quartiers en France, en Espagne, aux États-Unis, au Canada, en Corée en Chine et au Japon. Il élabore les liens entre l’évolution des scènes et la transformation des référents de valeur, de la « participation » et de leurs impacts culturels.

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Après une pause café et cake (délicieux !), et l’occasion de discuter à nouveau avec quelques nouvelles connaissances rencontrées ces derniers jours, c’est déjà la toute dernière séquence du congrès…

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Dans le grand amphi de l’université du Québec à Montréal, « Carte blanche » est donnée à Pierre Noreau, professeur à l’université de Montréal, qui s’en saisit pour développer son point de vue du défi à relever. Qu’est-ce qui rend la société possible ? Qu’est qui crée la communauté de destin ? Quelles stabilisations et régulations font processus social ? Telles sont les questions à travailler d’après lui au lieu qu’à force de ne travailler que sur la marginalité, on en vienne à n’étudier que les dysfonctionnements, et à croire que tout le reste n’existe pas. « Il faut s’intéresser à la sociologie des références car ne retenir que ce qui change sans se pencher sur ce qui se maintient donne le sentiment que la société se liquéfie ». Sans ignorer l’importance de décrire ce qui est, la sociologie pour lui se doit d’être compréhensive. Comprendre les raisons qui expliquent la stabilité, comprendre quelles sont les récurrences, sans lesquelles il n’y a pas de vie sociale, et à nouveau théoriser les rapports sociaux, car conclut-il « si on est orphelins de ce qui a fondé la sociologie, c’est la fin ».

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Et vient le moment de la clôture du congrès par les vice-recteurs des deux universités qui ont accueilli le congrès (et les congressistes, nous en témoignons !) et par les nouvelles instances élues de l’AISLF qui annoncent le prochain congrès en 2020 par un vibrant « Pourquoi irons-nous à Tunis ! ».

Mais peut-être avons-nous envie d’un petit retour en arrière pour conclure notre socio-reportage montréalais, retour au mot très bref du vice-recteur de l’Université de Montréal lors de la cérémonie de clôture, venu dire qu’il était philosophe, et qu’en tant que tel il voulait faire part de trois « généralisations hâtives et normatives » : la sociologie, la science sociale la plus ouverte aux autres ; pour les sociologues, être plus présents dans les lieux de décision ;  et sortir d’une trop grande modestie, en revendiquant leur discipline comme discipline phare !

Le congrès est terminé. Un grand merci à l’AISLF pour l’organisation remarquable et l’accueil des universités de Montréal et du Québec à Montréal. Et merci à toutes les personnes rencontrées à cette occasion pour ces échanges tout à fait précieux.

Et après ?

Après, nous nous sommes retrouvés en groupe autour d’une bière – et d’un « jus » comme dise les Québécois -, et comme nous étions en Amérique du Nord où le service n’est pas compris dans la « facture » (comprendre l’addition), nous nous sommes dits que nous étant bien préoccupés toute la semaine du pouvoir d’agir, nous allions nous laisser agréablement aller au pourboire d’agir…

Le moment de souffler - vous reconnaîtrez quelques têtes connues à l'APSE ;-)
Le moment de souffler – vous reconnaîtrez quelques têtes connues à l’APSE 😉

Voilà, il est temps pour nous de refermer ce socio-reportage 2.0, d’arrêter notre live tweet, et de laisser toutes ces rencontres – physiques et intellectuelles – se prolonger dans les mois qui viennent. Car la richesse de ce congrès donnera lieu à différentes traces et suites, aux formats différents, dont nous vous tiendrons informés. Une chose est sûre déjà : retenez votre soirée du 15 septembre 2016, pour le dîner de rentrée de l’APSE (inscriptions bientôt possibles sur le site de l’association). Il sera l’occasion d’un « retour de Montréal » où nous partagerons plus en détails ce que nous avons glané ici, et les liens – nombreux – avec le projet de l’APSE pour les trois années à venir…

Le congrès a été l’occasion d’ouvrir ce blog pour l’APSE, et vos nombreux retours positifs nous incitent à le maintenir dans la durée. Pour montrer la vie de l’APSE de l’intérieur et donner une autre dimension aux évènements organisés par l’APSE ou auxquels nous participons. Gardez donc l’adresse dans vos favoris, les mises à jour seront régulières !

Et avant de quitter Montréal, nous ne pouvions passer à côté de la spécialité locale… la poutine (sorte de frites avec de la sauce et du fromage fondu) ! Malgré l’aspect, nous avons tenté l’expérience et… c’est très bon, vous pouvez nous croire !.

Vous reprendrez bien un peu de poutine ? ;-)
Vous reprendrez bien un peu de poutine ? 😉

A bientôt !

May et Greg – pour l’APSE