Cycle « dialogues en entreprises » 2018

Tout le monde parle du dialogue en entreprise mais les travaux contemporains montrent que, malgré l’enjeu affiché de transparence dans les organisations et la banalisation des dispositifs d’expression, la qualité du dialogue au travail et sur le travail n’est pas forcément au rendez-vous. Ceci pose problème dans un contexte où salariés et managers font part de difficultés insolubles, dans leur activité comme dans les débats autour des moyens et finalités partagées. Selon les travaux empiriques auxquels nous nous référons, les échanges se font à la fois plus rares (par manque de temps et d’interactions directes), plus standardisés (car passés au crible des normes de relation imposées par les dispositifs d’expression) et moins pertinents (car ils ne portent pas forcément sur les « vrais problèmes » entachant la coopération). Les travaux analysant les causes de « mal-vivre au travail » aujourd’hui en France pointent de façon centrale les défaillances des ajustements collectifs et les dégâts causés par l’isolement et l’hyper-responsabilisation des individus. Inventer des nouveaux types de dialogue, par exemple relevant de la « controverse professionnelle » préconisée par exemple Yves Clot, est un enjeu collectif primordial.

C’est cette question centrale que nous mettrons au travail à l’occasion d’un cycle de rencontres-débats.

Ainsi, à la suite de nos échanges du « Café-socio » APSE du 15 mai 2017 , nous vous invitons à poursuivre la réflexion à travers trois évènements : deux  rencontres-débats en mars et mai 2018, présentées ci-dessous, puis un évènement autour des expérimentations ou nouvelles modalités de dialogues menées en entreprises, au dernier trimestre 2018 – les modalités seront précisées ultérieurement.

1-    LE DIALOGUE AU TRAVAIL, UN ENJEU POLITIQUE ? (Paris, 22 mars 2018 à 18h30)

A partir l’ouvrage de Marie-Anne Dujarier, Le management désincarné. Enquête sur les nouveaux cadres au travail (La Découverte, 2015).

Marie-Anne Dujarier propose dans son ouvrage les résultats d’une enquête menée pendant 10 ans dans des grandes organisations publiques et privées sur ces nouveaux cadres qu’elle désigne comme « planneurs » : Ceux qui, au nom de leur faculté théorique à rationaliser l’activité, pensent, diffusent, enrôlent et mettent en œuvre les dispositifs qui encadrent le travail des opérationnels, au détriment des logiques de métiers fondées sur des normes et savoir-faire établis par la pratique. Ce type d’encadrement structure « un rapport social sans relation » sans rencontre, qui « met à distance ce qui embarrasserait sa tâche et pourrait même la paralyser » produisant ainsi un management désincarné.

Marie-Anne Dujarier – sociologue du travail, professeure à l’université de Paris 7 Diderot, chercheuse du laboratoire LCSP et associée du LISE – articule sociologie et approche clinique du travail. Elle a publié L’Idéal au travail (PUF, 2006) et Le travail du consommateur (La Découverte, 2008).

Animation APSE : Catherine Boucher, Elisabeth Grosse (à confirmer)

Plus d’informations et inscription en ligne sur le site de l’APSE (cliquez ici).

2- LA NOVLANGUE MANAGERIALE : « Quand les mots ne collent pas aux choses » (Paris, 24 mai 2018 à 18h30)

Rencontre-débat autour de l’ouvrage d’Agnès Vandevelde-Rougalde, La novlangue managériale. Emprise et résistance (Eres, 2017) et du livre de Michel Feynie, Le « as if » management (Le bord de l’eau, 2012).

Expression formatée, euphémismes, anglicismes codés : la langue de bois managériale comme discours dominant dans les organisations promeut une vision auto-référencée, éloignée du travail réel et hermétique au débat. Quelle est sa fonction ? Est-elle une mise en scène du pouvoir ou un artefact utile au lissage des relations ? Quels sont les mécanismes qui contribuent à la fabrication et à la diffusion de ce discours ? Qu’est ce qui produit chez les récepteurs cette sensation de lien perdu au « réel » et qui anesthésie le dialogue ?

Ethnologue indigène sur son terrain, immergé en tant que salarié au sein de la branche commerciale d’une grande entreprise publique, Michel Feynie nous raconte son enquête minutieuse au pays du « as if » management, c’est-à-dire du management qui fait comme si tout allait bien, qui ignore les problèmes. Au travers des mots employés, il décrit le discours standardisé des dirigeants, porteur d’une fiction idéale de l’entreprise et révèle l’émergence d’une « communauté de langage », des injonctions d’exigence qu’elle véhicule, ainsi que son décalage avec les pratiques quotidiennes des salariés. Il s’intéresse au mal-être au travail généré par cette langue de bois qui « assomme » les salariés et il esquisse des pistes pour s’en protéger.

Michel Feynie est psychologue du travail et docteur en anthropologie. Chargé de cours à l’Université Bordeaux Ségalen, il a publié Les maux du management (Le bord de l’eau, 2010). Il anime des ateliers de réflexion sur le travail et les pratiques de management au sein de l’association Anthropologia.

Agnes Vandevelde-Rougale s’interroge sur les ressorts de l’intériorisation d’un discours managérial dominant par ses destinataires et en analyse les conséquences. Reprenant le terme de « novlangue » avancé par George Orwell dans 1984, elle utilise également l’image d’un virus pour caractériser l’incorporation de ce newspeak gestionnaire, à l’instar de Victor Klemperer qui, en son temps, proposait la métaphore de l’empoisonnement des esprits : « les mots peuvent être comme de minuscules doses d’arsenic : on les avale sans y prendre garde, ils semblent ne faire aucun effet, et voilà qu’après quelque temps l’effet toxique se fait sentir ». Au-delà du mal-être, Agnès Vandevelde-Rougalde analyse comment l’imaginaire peut être bridé, les émotions et la critique empêchées de s’exprimer.

Agnès Vandevelde-Rougalde, diplômée de l’Ecole supérieure des sciences commerciales d’Angers et docteure en anthropologie et sociologie, est chercheuse associée au Laboratoire du Changement Social et politique (université Paris-Diderot-Paris 7), membre du Comité de rédaction de la revue Interrogations ?, membre du  Réseau International de Sociologie Clinique, membre du réseau thématique « sociologie clinique » de l’Association française de sociologie.

Animation APSE : Olivia Foli (maîtresse de conférences, CELSA-Sorbonne université), Catherine Boucher

Plus d’informations et inscription en ligne sur le site de l’APSE (cliquez ici).

Ce cycle de rencontres APSE est organisé en partenariat avec le CELSA et Nonfiction.