Congrès AISLF 2016 – jour #2

Seconde journée du congrès à Montréal, toujours sous un grand soleil !

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Aujourd’hui – et jusqu’à vendredi – les différentes sessions se tiennent à l’UQAM (Université du Québec à Montréal), en plein centre ville.

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On y croise d’ailleurs… Marcel Proust au détour d’une rue !

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Au programme aujourd’hui : alternance entre sessions des CR (comités de recherche) thématiques et plénières. Nous continuons à « live tweeter » au fil de la journée pour ceux qui nous suivent sur Twitter, merci pour vos commentaires et encouragements !! 😉

Tout d’abord, quelques retours sur deux conférences passionnantes autour de l’axe thématique « de nouveaux mondes à comprendre » et qui ont captivé l’assistance, avec des applaudissements nourris.

Dans un premier temps, l’intervention d’Antonio Casilli (que nous attendions avec impatience !), chercheur associé à l’EHESS, sur les sciences sociales à l’heure du numérique. Comment la sociologie s’adapte-t-elle pour prendre en compte les manières de vivre ensemble à l’heure de la connectivité et de la traçabilité généralisées ?

Antonio Casilli évoque avec beaucoup d’humour trois grandes controverses autour du numérique : la question du lien social, l’équilibre entre vie privée / vie publique et le travail à l’ère numérique.

Il nous invite en particulier à nous « débarrasser de la notion du virtuel » et montre que les structures sociales sur internet ne font que reproduire les structures « réelles ». D’après lui, contrairement à une idée reçue et à la rhétorique des concepteurs d’applications de réseaux sociaux – entrepreneurs de morale ? – sur la « fin de la vie privée », les utilisateurs se protègent voire se surprotègent de manière majoritaire en ce qui concerne leurs données personnelles. Ce qui amène en fait une « guerre culturelle » sur la question de vie privée entre utilisateurs et concepteurs , les premiers cherchant de plus en plus à se protéger le mieux possible tandis que les seconds développent sans cesse des stratégies pour « déverrouiller » l’accès aux informations privées. Enfin, Casilli évoque la notion de digital labor, ce travail implicite et informel des utilisateurs sur les plateformes numériques, qui est en fait la source réelle de valeur ajoutée de ces entreprises… sans rémunération de ceux qui la produisent…

Sur un tout autre registre ensuite, Vinciane Despret, philosophe et psychologue, nous a emmené dans une exploration, souvent drôle et superbement énoncée, de « nos rapports sociaux avec les défunts », sujet pour le moins… inattendu et qui nous oblige à nous « décentrer ».  En évoquant la notion de « défunts remuants », elle raconte avec humour comment elle a exploré cette question de ce que les morts partagent avec les vivants, comment ils maintiennent une forme d’existence et la force des liens sociaux qui nous unissent à eux : « une promesse faite à un mort a une intensité plus forte que celle faite à un vivant ». Elle invite en particulier à sortir de la conception de la mort comme une « décision médicale » pour aller davantage vers une réflexion sur le processus social – et culturel – de passage de la vie à la mort.

Déjeuner avec une sympathique sociologue mexicaine qui est heureuse de pouvoir s’exprimer en français… langue qu’elle a apprise en Uruguay… C’est aussi ça le congrès de l’AISLF, des rencontres improbables…

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Nous avons ensuite rejoint le Comité de Recherche 22, « entreprise et société », où Greg Lévis a exposé une réflexion sur l’intervention en entreprise dans les contextes d’urgence :

qu’est-ce que les métiers de l’urgence peuvent apprendre aux sociologues praticiens sur l’intervention dans des organisations de travail où le sentiment d’urgence devient omniprésent ? La sociologie n’est-elle pas disqualifiée pour investir les temps courts ? Ou au contraire, n’est-ce pas une opportunité à saisir pour repenser la question de l’intervention en sociologue face à l’agitation grandissante dans les entreprises et la perte de sens ?

 


Pour poursuivre nos réflexions de lundi sur le défi de la transdisciplinarité et le « à suivre » avec lequel nous vous laissions hier soir, May Balabane-Parent du Châtelet nous propose quelques pensées à l’issue de cette nouvelle journée…

… la suite, c’était ce matin mardi dans la session thématique de « Sociologie de la connaissance ».

Nous étions une quinzaine à écouter les intervenants sur le thème « Le sociologue et les valeurs collectives » : faire appel à la philosophie sociale dont est inspirée la sociologie de la connaissance, et en particulier à la pensée d’Aristote,  pour traiter de l’action transformatrice « Est-ce que la société peut se transformer ? Quels outils mobiliser pour traiter cette question ? » ; poser la question du lien entre recherche publique et bien commun et apporter à travers une étude de cas une réponse de nature éthique, avec l’engagement citoyen qui se joue en recherche publique au-delà de la production-diffusion de connaissances ; dessiner la pensée complexe au cœur de la sociologie et dire l’enjeu de pluridisciplinarité de cette pensée.

C’était bien à eux, là, que poser ma question s’imposait : « Pluri/inter/trans-disciplinarité ? Ou bien, dans un paysage de mutations profondes des contextes, l’aube de la naissance d’une nouvelle discipline ? ». Bel accueil de la question, et long moment de réponse(s), nombreuses et fournies, et d’échanges. J’en retiens quatre choses : qu’il y a bien des frontières entre disciplines, et donc résistance et opposition ; que l’hyperspécialisation  a renforcé les antagonismes et qu’on arrive à une impasse ; que le débat sur la pluri/inter/trans-disciplinarité n’est pas uniquement épistémique mais aussi politique, avec le statut de la recherche scientifique universitaire en France où la formation est centrée discipline (pour des diplômes disciplinaires) cependant que la recherche des enseignants-chercheurs est pensée à partir des objets ; qu’une étude serait à faire sur la question de la pluri/inter/trans-disciplinarité telle qu’elle est appréhendée et traitée dans différents pays.


Nous vous laissons pour ce soir, la nuit porte conseil, et une nouvelle journée de congrès nous attend demain !!